● Conférence avec le Gouvernement - L’intervention de Bernard Thibault


La CGT se félicite de l’organisation en juillet d’une conférence sociale après le changement de président de la République. Les attentes des salariés pour de véritables changements dans leur vie et au travail dont la CGT s’est faite l’expression sont pour beaucoup dans cette nouvelle donne. Il est donc naturel que des attentes s’expriment, tant vis-à-vis de mesures sociales qui seront prises par le gouvernement que sur les chantiers qui seront ouverts pour des changements en profondeur.


Nous sommes convaincus qu’après des années de politiques régressives dans les domaines de l’emploi et du pouvoir d’achat, des réponses structurelles sont indispensables en matière de reconnaissance du travail, de réforme de la fiscalité, de contrôle des aides publiques aux entreprises et d’incitation à l’investissement dans le tissu économique. Il ne faut pas séparer l’économique et le social.

La CGT demande que le débat au cours de la conférence dite sociale ne soit pas enfermé dans le carcan d’un cadre économique qui resterait pour l’essentiel inchangé. Il faut pour cela rompre avec les préconisations qui ont inspiré les politiques publiques ces 10 dernières années.

Nous contestons que la compétitivité de notre économie et des entreprises impliquerait une nouvelle phase de déréglementation du droit du travail et une plus grande précarité sociale. Le président de la République a lui-même insisté sur le fait que les données de fond du débat économique devraient être modifiées au plan européen, faute de quoi aucun des problèmes graves auxquels nous sommes confrontés ne peut trouver de réponse. Je rappelle que l’ensemble des syndicats européens a rejeté le pacte budgétaire qui prône une austérité généralisée à toute l’Europe. La question de la croissance et d’une répartition des richesses plus favorable aux salariés sont à traiter prioritairement. Ainsi, il doit nous être possible d’aborder différents axes des politiques publiques, comme par exemple : 
  • La réforme fiscale, 
  • La mise à plat des aides et exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises, 
  • La mise en place de nouveaux outils publics de financement pour le développement économique et social.

La CGT considère important, dans ce contexte, que la conférence sociale débouche sur des mesures aptes à relancer notre économie. Elle estime indispensable que toutes les questions traitées le soient en présence des ministères compétents. C’est la condition pour modifier le cadre économique dans lequel se posent les problèmes d’emploi, de pouvoir d’achat, de protection sociale et de conditions de travail notamment.

Si la Conférence de juillet doit ouvrir un cycle de concertations, voire de négociations sur un certain nombre de sujets, le gouvernement comme le législateur ne doivent pas hésiter à décider d’actions immédiates lorsque la situation impose à l’évidence cette attitude. Un seul exemple : l’égalité salariale entre les hommes et les femmes est une obligation dans la loi, pas dans les faits. Seule désormais la mise en place de sanctions est susceptible de faire respecter la loi. La volonté du gouvernement de relancer le dialogue social doit se traduire par de nouvelles dispositions relatives à la démocratie sociale. Si la loi d’août 2008 a permis des avancées en matière de représentativité syndicale, le législateur n’a pas été au bout de l’exercice. 

Plusieurs sujets nécessitent un examen urgent. Je citerais entre autres : 
  • L’articulation entre la loi et la négociation collective, 
  • Les droits d’intervention des salariés dans les entreprises, 
  • La reconnaissance du droit syndical dans sa dimension interprofessionnelle, 
  • La fin de la discrimination dans les moyens matériels et financiers entre organisations d’employeurs et les salariés, 
  • La représentativité des organisations d’employeurs, 
  • Une loi d’amnistie qui doit réparer les condamnations liées à l’engagement syndical ainsi qu’un coup d’arrêt à la volonté de criminaliser l’action syndicale à l’image de la présence inacceptable de militants syndicaux dans le fichier ADN.

L’avenir de l’industrie dans notre pays est un défi majeur, tant pour le redressement économique que dans sa dimension sociale. Il justifie pleinement d’ouvrir un chantier en tant que tel. Nous avons dans ce domaine, comme d’autres acteurs, des propositions très concrètes à formuler et les attentes sur nombre de sites industriels sont immenses, pour élaborer aussi des dispositions législatives efficaces pour préserver et développer les sites et les filières industrielles. Il est également indispensable de reconnaître les représentants des salariés pour apporter leur contribution à la Conférence environnementale annoncée également pour juillet. Les impacts sociaux et économiques liés aux changements des modèles de production nécessitent d’être appréhendés avec tous les acteurs concernés.

Sur quelques thèmes, plusieurs observations :

En matière de santé et de sécurité sociale, des défis majeurs sont posés qui relèvent à notre sens de plusieurs types de réponse de court, moyen et long termes. Une première échéance concerne le PLFSS. Ils doivent être identifiés et traités parallèlement mais séparément du sujet des retraites.

Le taux de pauvreté des retraités est reparti à la hausse du fait des réformes précédentes. Nous constatons une augmentation du cumul emploi-retraite liée aux basses pensions et, parallèlement, un taux de chômage des seniors qui continue d’augmenter.

Le retour à la retraite à 60 ans, la reconnaissance de la pénibilité des métiers, le rétablissement de l’AER et la pérennité de notre système actuel de retraite par répartition sont pour nous parmi les objectifs prioritaires.

En matière d’emploi, les questions sont multiples. Outre les défis posés à l’industrie, nous devons traiter : 

  • de l’explosion de la précarité qui se traduit par l’envolée du nombre des ruptures conventionnelles, la recrudescence des emplois précaires, l’utilisation abusive dans certaines entreprises des heures supplémentaires et du chômage partiel,
  • du service public de l’emploi, 
  • de la formation professionnelle, 
  • des dispositifs ciblés concernant l’emploi des jeunes et des seniors, 
  • du système d’indemnisation du chômage, 
  • il nous faut concrétiser la sécurité sociale professionnelle.

En matière de salaires, le débat ne doit pas être cantonné aux seuls bas salaires. Outre l’augmentation du SMIC, revendiqué à 1700 euros par la CGT, l’Etat doit se donner les moyens d’impulser des politiques salariales dynamiques faisant en sorte que l’amélioration substantielle du SMIC se répercute dans toutes les grilles professionnelles.

L’accès au logement, notamment pour les jeunes, et la prise en charge des frais de transport liés au travail doivent être traités conjointement aux salaires et au pouvoir d’achat.

S’il est indispensable de traiter la situation faite aux personnels des fonctions publiques et à leurs missions, il est également nécessaire que le gouvernement nous ouvre un cadre de discussions nous permettant de traiter différents sujets concernant, d’une part, la nouvelle étape annoncée de la décentralisation et par ailleurs, le rôle et les moyens des services publics dans leurs différents champs d’intervention.

Le gouvernement ne doit pas négliger l’importance de ces leviers qui participent à l’efficacité économique et à l’égalité d’accès pour des besoins essentiels.

La CGT aborde cette réunion avec un esprit constructif pour que les réponses gouvernementales soient à la hauteur des fortes attentes sociales. Elle sera disponible, exigeante, vigilante.

5/06/2012